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Deux-trois choses que Lucie Castets, qui veut mettre en place une imposition universelle à l’américaine pour faire payer les « expatriés fiscaux », ne sait pas sur les Français de l’étranger et l’expatriation :

  1. Entre 2.5 et 3 millions de Français résident hors de France. Parmi eux, nombreux sont nés à l’étranger. D’autres sont bi-nationaux. Certains ne parlent pas le Français.

2. Pour la plupart des Français de l’étranger (FdE), quitter la France est un choix.

Un choix déterminé par la quête d’une opportunité professionnelle, ou une volonté de trouver un nouveau mode de vie, ou par le besoin de partir, ou parfois même par amour. Et parfois aussi, pour une petite minorité, pour des raisons fiscales. Mais la grande majorité des FdE travaillent, pour nos entreprises ou leurs filiales locales, ils entreprennent et innovent, et participent au rayonnement économique de la France dans le monde et à la défense de notre balance commerciale.

3. Pour une partie des FdE, l’expatriation est un parcours itinérant, et risqué.

S’expatrier ce n’est pas partir dans un pays X, y passer quelques années en vivant comme un nabab, puis revenir en France. On peut aussi passer de pays en pays, et parfois décider de s’installer durablement voire définitivement dans un pays tiers. Il y a de moins en moins d’expatriés au sens contractuels, et de plus en plus de FdE qui travaillent ou entreprennent avec des contrats locaux, sans protection ou privilège spécifique.

Le “FdE moyen” est de classe moyenne, salarié, a peu ou pas de patrimoine ou d’activité en France, et n’est certainement pas un cadre dirigeant avec tous les avantages d’un contrat d’expatrié et qui fréquente les ambassades.

4. Parlons argent.

Vivre dans un pays tiers, c’est adopter et se plier à son système économique. Des salaires parfois plus élevés qu’en France, mais aussi des loyers et un coût de la vie parfois démesurés par rapport à la France. Des systèmes de santé qui nécessitent une mutuelle privée. La nécessité de scolariser ses enfants dans le privé. Tout cela coûte cher. Parfois bien plus cher que vivre en France.

5. Parlons argent et scolarité.

Oui, les FdE payent pour l’éducation de leurs enfants dans les lycées français de l’étranger. On leur facture 7.000 € par an et enfant en moyenne. Mais parfois jusqu’à 17.000 € (à Londres), 22.000 € (à Hong Kong) ou 44.000 € (New York). Seuls certains employés des établissements bénéficient d’une quasi-gratuité pour leurs enfants. Les bourses scolaires, réservées aux élèves de nationalité française, sont hors de portée des familles de classe moyenne. Scolariser nos enfants dans un lycée français est un investissement, parfois un sacrifice financier.

6. Parlons argent et santé.

L’accès aux soins en France n’est pas garanti au retour ou lors des passages en France. Le « tourisme médical » existe, mais pour en bénéficier il faut souvent souscrire une couverture auprès de la mutuelle Caisse des Français de l’étranger (CFE) et les FdE sont soumis à des périodes de carence à leur retour en France s’ils veulent bénéficier de couverture santé, ou d’aides sociales.

7. Parlons impôts.

Dans le monde entier, le principe de base (sauf pour les Américains) est que l’on paye l’impôt sur le revenu (IR) dans le pays où ce revenu est généré et non pas en fonction de la couleur du passeport du contribuable. On évite aussi les double-impositions, notamment grâce à une centaine de conventions fiscales avec des pays tiers.

Tout cela crée, dans chaque pays, les conditions d’un marché du travail égalitaire, où le même salaire brut se traduit en même salaire net d’IR pour tous les travailleurs, quelle que soit leur nationalité.

8. Cependant un FdE qui n’est pas résident fiscal en France mais qui y génère ou perçoit des revenus 🇫🇷 – loyer, salaire, indemnités, dividendes… – paye l’IR (impôt sur le revenu) sur ces revenus français … à la  France !

À ce sujet, un point absurde et irritant : le FdE qui vit hors de l’UE paye – en plus de l’IR – la CSG-CRDS sur ces revenus… sans toutefois  bénéficier en contrepartie d’aucune couverture sociale de la part de la France ! Et si le FdE possède un bien immobilier en France, il paye l’IFI à la France.

9. Si, malgré son départ, ce FdE décide de ne pas vendre le logement qui jusque là était sa résidence principale en France, celui-ci devient une résidence secondaire avec les taxes et majorations liées à ce statut : il paye notamment la taxe foncière et la taxe d’habitation (pourtant éliminée pour le reste des contribuables français sur leur résidence principale), avec majoration jusqu’à 60 % sur les zones tendues comme Paris.

10. Si on fait le total, les FdE non-résident fiscaux en France payent déjà des centaines de millions d’euros d’impôts et taxes à la France chaque année. Et cela sans compter les taxes sur successions, la TVA sur leur consommation lors de leurs passages en France, l’usage (payant) des services publics français et notamment de certains services consulaires, etc.

11. Et que reçoivent les FdE en échange de ces centaines de millions d’impôts?

-> Un réseau consulaire important … mais dont les services sont souvent payants, et qui est également au service des Français de passage (touristes, voyageurs d’affaire) et des voyageurs étrangers (demandes de visas, étudiants)

-> Un magnifique réseau scolaire de 560 établissements mais qui est loin de pouvoir accueillir tous les petits FdE, et dans lequel la scolarité est facturée à chaque famille 7.000 € par an en moyenne.

12. En conclusion…

Le Français de l’étranger qui quitte la France ne part généralement pas pour éviter l’impôt français. Il continue d’ailleurs à payer en France l’impôt sur ses revenus français et patrimoines immobiliers français ainsi que diverses taxes, sans toutefois bénéficier des déductions et subventions auxquelles aurait droit un résident fiscal français.

13. Stigmatiser les Français de l’étranger en souhaitant les soumettre au système d’impôt universel à l’américaine est contre-productif et démagogique.

Cela ne ferait que déstabiliser de nombreuses familles qui se verraient obligées de payer des taux d’imposition francais dans des pays où le coût de la vie est inversement proportionnel aux taux locaux d’imposition sur le revenu.

In fine, cela ne pourrait que nuire aux intérêts de la France à l’étranger, sans parler de nos relations avec la centaine de pays tiers avec qui nous avons signé des conventions fiscales, et avec leurs banques qui refuseraient la clientèle des Français comme c’est souvent le cas pour les Américains.

14. Bref, Lucie Castets, Eric Coquerel et vos camarades du NFP, enterrez cette idée absurde, ne sacrifiez pas les intérêts de la France à l’étranger pour tenter de donner un semblant de crédibilité budgétaire à votre programme économique.

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